Ce n'est pas une lubie d'auteur d'avoir fait passer son baccalauréat à un personnage féminin, né vers l'an 1900, de surcroît dans une famille aristocrate, embourgeoisée par les décennies précédentes. Je n'ai rien inventé, si ce n'est Alice, une jeune femme pétrie de rêves, qu'elle sait réalisables.
Alice n'est pas une avant-gardiste, certes, mais dans son milieu familial, elle reste une exception. A l'époque, l'idéal matrimonial des classes sociales aisées (y compris dans la classe moyenne) n'entend rien au travail des épouses (et je rappelle ici que les institutrices devaient être célibataires, au même titre que les métiers féminins de la domesticité et du commerce -cf notre Emile Zola national, dans Au Bonheur Des Dames). Pourtant, dans les familles rurales et ouvrières, la femme - y compris dans son rôle de mère- n'a t-elle pas d'autre choix que de travailler ? Néanmoins, le désir d'émancipation par rapport au conjoint (ou au père) n'existe pas vraiment. Simone de Beauvoir n'est encore qu'une enfant, et il faudra attendre quelques dizaines d'années pour voir émerger une version nouvelle du féminisme.
A l'époque, personne n'empêche les femmes d'étudier...bien au contraire ! Ce sont les mères qui ont le monopole de l'éducation dans les familles bourgeoises, et à la fin de la Belle Epoque, les bibliothèques, romans, globes et autres babioles géographiques et scientifiques ont envahi les appartements. Parmi les grandes lignées aristocratiques, le patrimoine quelquefois riche hérité des anciens, permet aux enfants de voyager d'hiver en été, et de s'intéresser à la culture, à l'histoire et aux habitants de leur canton. N'oublions pas que ce sont eux les mécènes !
Cependant, intégrer l'université ressemble à un parcours du combattant...tout simplement parce que dans les mœurs, les femmes n'étudiaient pas pour en faire un métier ! Plusieurs l'ont pourtant fait avec un grand courage, d'autant plus celles qui ont intégré des filières scientifiques....- pour lesquelles il fallait obtenir une dérogation spéciale !- et nous ont apporté d’extraordinaires richesses. Comment ne pas citer l'incroyable Marie Curie, le docteur Maria Montessori, l'astronome américaine Annie Jump Cannon, et bien d'autres encore, si peu connues ?
Il ne faut pas en oublier les femmes de lettres, comme Julie-Victoire Daubié, la première française a avoir passé l'examen du baccalauréat...en 1861 (!!) et qui intégra l'université de la Sorbonne, pour devenir journaliste.
Le parcours d'Alice est ponctué d'obstacles, de remises en question. Mais sa réussite rend hommage à toutes les femmes qui ont courageusement bravé les regards et les médisances. Heureusement, beaucoup de personnalités masculines ont appuyé ses ambitions, comme dans la réalité. Le comte de Bordi (son père), Batista et William l'ont encouragé dans ses passions ou ses recherches. L'Académie des Beaux Arts de Florence, que j'ai choisie pour former son talent, n'a pas réellement réservé des cours et des ateliers destinés à des classes de jeunes femmes aussi tôt dans le siècle (du moins, je n'ai trouvé aucune source le justifiant). En revanche, des cours spécifiques ont été créés dans les années 1900, comme le cours Humbert (à l'école nationale des beax-arts de Paris) ou l'atelier Julian.
Je laisse mes lecteurs seuls critiques du sort d'Alice, mais je souhaite souligner un point: si elle choisit finalement de se marier, son engagement conjugal n'empêche en rien sa quête individuelle de sens, ni même son épanouissement ! Mais je n'en révèle pas plus, et vous laisse le découvrir à la fin du roman !
Pour plus d'informations:
- L'éducation des filles en France au XIXème siècle- Françoise Mayeur- éditions Perrin
- Histoire des femmes dans la France des XIXème et XXème siècles- Christine Bard et alii - ellipses
- Les femmes dans la grande guerre- Chantal Antier - Broché
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