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L'hiver dans la poésie ...

J'avais envie de vous faire partager quelques poèmes "coups de cœur" sur l'hiver, cette belle saison blanche qui nous fait aimer notre cheminée (notre plaid !)... et les paysages fantasmagoriques du champ d'à côté...

Trois poètes, venus de pays différents: le russe Pouchkine, le français Maupassant et le belge Verhaeren.

Bonne lecture...

Pouchkine – Soir d’hiver - 1825-
ЗИМНИЙ ВЕЧЕР

Ciel de brume ; la tempête
Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête,
Ou gémit comme un enfant,
Et soufflant soudain pénètre
Dans le vieux chaume avec bruit,
Elle frappe à la fenêtre,
Voyageur pris par la nuit.

La chaumière est triste et sombre,
Chère vieille, qu'as-tu donc
A rester dans la pénombre,
Sans plus dire ta chanson ?
C'est la bise qui résonne
Et, hurlant, t'abasourdit ?
Ou la ronde monotone
Du fuseau qui t'assoupit ?

Mais buvons, compagne chère
D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !
Chante comme l'hirondelle,
Doucement vivait au loin ;
Chante-moi comme la belle
Puisait l'eau chaque matin.

Ciel de brume ; la tempête
Tourbillonne en flocons blancs,
Vient hurler comme une bête
Ou gémit comme un enfant. 
Mais buvons, compagne chère
D'une enfance de malheur !
Noyons tout chagrin ! qu'un verre
Mette de la joie au cœur !

 

Guy de Maupassant- Nuit de neige-

In Des Vers

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.

Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.

Emile Verhaeren- In Les Villages Illusoires

 


 

La neige tombe, indiscontinûment,
Comme une lente et longue et pauvre laine,
Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
Froide d’amour, chaude de haine.

 

 

La neige tombe, infiniment,
Comme un moment –
Monotone – dans un moment ;


La neige choit, la neige tombe,
Monotone, sur les maisons
Et les granges et leurs cloisons ;
La neige tombe et tombe
Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.

 

 

Le tablier des mauvaises saisons,
Violemment, là-haut, est dénoué ;
Le tablier des maux est secoué
A coups de vent, sur les hameaux des horizons.

 

 

Le gel descend, au fond des os,
Et la misère, au fond des clos,
La neige et la misère, au fond des âmes ;
La neige lourde et diaphane,
Au fond des âtres froids et des âmes sans flamme,
Qui se fanent, dans les cabanes.

 

 

Aux carrefours des chemins tors,
Les villages sont seuls, comme la mort ;
Les grands arbres, cristallisés de gel,
Au long de leur cortège par la neige,
Entrecroisent leurs branchages de sel.

 

 

Les vieux moulins, où la mousse blanche s’agrège,
Apparaissent, comme des pièges,
Tout à coup droits, sur une butte ;
En bas, les toits et les auvents
Dans la bourrasque, à contre vent,
Depuis Novembre, luttent ;
Tandis qu’infiniment la neige lourde et pleine
Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.

 

 

Ainsi s’en va la neige au loin,
En chaque sente, en chaque coin,
Toujours la neige et son suaire,
La neige pâle et inféconde,
En folles loques vagabondes,
Par à travers l’hiver illimité monde.

 


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